dimanche 13 janvier 2008

Travail et décroissance - les 8 R ...

Travail et décroissance - les 8 R ...
Publié le 8 juillet 2007
par Wildo

Source : 1libertaire.free.fr

Origine liste Mail Cornelius Castoriadis « Travail et Décroissance » - Conférence de Serge Latouche à Namur - Compte-rendu 19 mai 2007

Billet d’ambiance de Dominique Masset.

Ce 2 mai 2007, Serge Latouche était invité par l’institut des sciences économiques de Namur pour une conférence intitulée « Travail et Décroissance ».

Première observation, le grand auditoire était comble avec un public tout âge y compris des « students » pourtant proches voire en blocus... Rassurant !

Mieux encore, nous étions certainement une bonne dizaine de membres des Amis de la Terre, preuve que cette thématique nous mobilise. L’économiste probablement le plus emblématique de la Décroissance Economique Soutenable, en francophonie, a développé les thématiques suivantes :

Nous vivons actuellement une période charnière dans notre civilisation et même de l’histoire humaine sur Terre. Où allons-nous ? Dans le mur ! Malgré tous les moyens et les richesses créés, 2/3 de l’Humanité se demande encore chaque jour ce qu’elle va manger. Les naturalistes attestent que la disparition actuelle des espèces vivantes constitue la 6ème extinction ; elle est ultra-rapide et il n’est désormais plus exclu que l’espèce humaine succombe aussi.

D’où venons-nous ?

D’un courant né au XVI° siècle et caractérisé par une augmentation progressive jusqu’à nos jours de la production de biens et de croissance économique. Une date serait à mettre en exergue : 1989 lorsque tous les pans de la société ont été mis sur orbite de la mondialisation, de la globalisation, de la marchandisation. Le problème est qu’actuellement la croissance économique s’est instituée comme système s’auto-justifiant : la croissance pour la croissance.

Trois ressorts déterminants de cette croissance économique marquent notre société : la publicité, l’obsolescence programmée (courte durée de vie) des produits, l a disponibilité d’un crédit « facile » encouragé au niveau des individus et la vie à crédit au niveau de la société, sous forme d’une dette publique considérable.

Telle que fonctionnant actuellement, notre société, nos modes de vie, ne sont pas tenables. L’indicateur de l’empreinte écologique montre que l’Humanité « consomme » plus que la Terre ne peut supporter ; les peuples mondiaux ont des empreintes très différentes avec en particulier un mode de vie « consommant de 2 à 4 planètes » pour les pays dits occidentaux. Si nous, occidentaux de ce début de XXI siècle, pouvons nous le permettre, c’est au prix, d’une part, du maintien des populations du Sud dans un état de précarité indigne et, d’autre part, de l’hypothèque de la vie des générations futures.

Si notre mode de vie de croissance économique n’est pas tenable, il n’est pas souhaitable non plus. De très nombreux indicateurs attestent que si la croissance économique est permanente depuis 50 ans, notre bien-être stagne, au mieux, et se réduit le plus souvent.

Si la croissance est une théorie économique, la « Décroissance » elle n’est pas une théorie mais un slogan provocateur, une matrice d’alternatives. Cette matrice devrait nous conduire à sortir de la religion de croissance pour devenir A-croissant comme A-gnostique.

Pour mettre en oeuvre la Décroissance Economique Soutenable, Serge Latouche propose deux étapes. La première est la modélisation de l’Utopie concrète, la seconde est sa réalisation par un programme politique. Pour expliciter la Décroissance comme utopie, il développe un modèle en cycle dit des 8 « R » recouvrant successivement :

1. Réévaluer : il faut se pencher sur les valeurs fondamentales de nos sociétés ainsi que sur les modes de fonctionnement qu’elles impliquent : p.ex. la publicité comme arme de pression à la surconsommation.


2. Reconceptualiser
: pour évoluer vers une « nouvelle » société, il faut en définir les ressorts, les concepts fondamentaux : p. ex. comment serait définie la situation de pauvreté, ...


3. Restructurer :
s’il semble indispensable et inévitable de sortir du capitalisme, il faut alors également changer les rapports de production et sortir de l’esprit qui définit par un cadre économique toutes les données de notre vie.

4. Redistribuer : tant les avoirs que les droits de tirage sur les ressources de la planète doivent être répartis plus équitablement entre tous les humains.

5. Relocaliser : réapprendre à vivre en considérant son lieu de vie comme le centre du monde ; se donner comme règle de ne pas y prélever plus que possible ainsi que ne pas le souiller plus qu’il ne peut absorber.

6. Réduire : pour vivre ainsi, il est inévitable de réduire nos consommations, nos transports, nos emballages...

7. Réutiliser : dans l’intention de stopper l’obsolescence programmée, il nous faut revenir à des choses, à des objets, à des outils durables, réparables...

8. Recycler : arrivés en fin de vie, les choses, les objets, les outils doivent être conçus pour se transformer à nouveau en matière première pour d’autres productions et pas comme actuellement en déchets.

Développant le titre de la conférence, Serge Latouche insiste su le fait qu’une réduction massive des horaires de travail est indispensable. Cette réduction de la durée de travail vise à redistribuer le travail pour en procurer à toutes et tous mais également à rendre un sens au travail et la vie. Plus précisément, il explique que « l’animal laborieux » que nous sommes le resterait toujours mais bien moins longtemps chaque jour ; nous dégagerions ainsi bien plus de temps pour deux autres composantes essentielles de notre vie que sont la participation à la gestion (vie) de la société ainsi que les activités créatives et artistiques.

En guise de programme politique, une dizaine de points sont esquissés avec une mise en oeuvre comme suit :

Internaliser les coûts actuellement externalisés ou, dit autrement, faire payer les pollueurs.

Diminuer les consommations par 3 pour revenir à une empreinte écologique soutenable. Depuis les années 1960-70, les changements essentiels sont ceux qui ont porté sur la manière de produire : p.ex. dans le secteur agroalimentaire, les produits restent comparables tandis que le mode de production a radicalement évolué vers l’élevage « hors sol » et les intrants chimiques en agriculture.

Internaliser les coûts des transports, responsable de près d’1/3 du changement climatique. Pour retrouver un prix un peu plus juste, il faudrait immédiatement multiplier par 20 fois voire 30 fois le prix du km parcouru.

Soutenir massivement le retour vers l’agriculture paysanne, extensive et biologique.

Convertir les gains de productivité en Réduction du Temps de Travail.

Impulser la production de biens relationnels tels le savoir, l’amitié, l’amour...

Adopter un scénario des négawatts pour réduire au moins par un facteur 4 nos consommations d’énergie.

Adopter un moratoire sur la recherche technoscientifique en vue de la réorienter, de lui définir du sens en accord avec nos aspirations profondes.

Pénaliser les dépenses de plus en plus énormes de publicité et cadrer strictement la promotion de produits ou de services.

Tant l’utopie concrète que le programme d’une politique de Décroissance sont-ils plausibles ? Oui, affirme-t-il, mais avec des réserves ou des précisions. Si aujourd’hui les mentalités ne sont pas encore « mûres », il est tout à fait possible qu’elles le soient demain ; ce qui paraît impossible comme politiques au niveau international ou national concernant des changements de type « macro » sont par contre envisageables au niveau plus locale, plus proche des choix et des comportements individuels.

Il est fréquent d’entendre des détracteurs de la Décroissance accuser les promoteurs de ce « slogan » de vouloir paupériser plus encore les plus pauvres de la planète. Serge Latouche termine ainsi son exposé en développant les rapports Nord/Sud. Il développe deux idées en accord avec l’option de Décroissance Economique Soutenable :

Il faut rompre les dépendances économiques et culturelles qu’a le Sud par rapport au Nord.

La meilleure action que les pays du Nord ont à mettre en place par rapport aux pays du Sud est d’arrêter la prédation des ressources et donc leur surconsommation.

Cette conférence « tour d’horizon » a abordé de manière succincte un grand nombre de sujets inclus dans le slogan de « la Décroissance ». En considérant cette thématique comme une clé de voûte de ses centres d’intérêts, les Amis de la Terre ont compris son rôle déterminant pour une sortie de l’impasse sociale et écologique dans laquelle nous nous enfonçons. Nous nous devons, dans le cadre de nos actions en éducation permanente, de vulgariser ces idées à la fois nouvelles et totalement opposées au courant dominant dans notre société. A titre personnel, ici et maintenant, nous devons en tirer des conséquences pour, d’une part, nous sentir personnellement plus cohérent et, d’autre part, vivre mieux ! Ceci est exactement le sens de l’appel à suivre les voies de la Simplicité Volontaire que les amis de la Terre lancent depuis 2005. Pratiquée seule ou en retissant des relations humaines plus denses dans le cadre des groupes de Simplicité Volontaire, la Simplicité Volontaire s’avère effectivement être source d’espoir et de sens.

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