samedi 15 décembre 2007

Vaincre la misère : une utopie ?

Vaincre la misère : une utopie ?
Témoignage : Jean Gelbseiden (ATD quart monde)
Appel au débat

La misère est à différencier de la pauvreté.
On est dans la misère quand on ne peut plus subvenir aux besoins
essentiels : se nourrir, se vêtir, se soigner, se loger.

La misère : on pense que c’est toujours pour les autres mais la maladie, la
déprime, la solitude, le chômage, un divorce …
lorsque tout s’écroule autour de soi et en soi, alors on
tombe dans la misère et on se mure dans sa coquille.

La misère, c’est une spirale infernale. Elle se conjugue avec un
déficit financier, intellectuel, moral et affectif. La misère se combat par un traitement individualisé. Il faut créer des liens, s’adresser à l’altérité, accompagner l’individu pour qu’il se sorte lui-même de la misère. L’important c’est la main tendue et non la main pleine.

On ne peut pas vaincre la misère sans utopie. L’utopie, c’est un rêve et
sans rêve, il n’y a pas d’envie d’agir et de vivre.


Le débat (17 octobre 2006)

Témoignage de JG

Militant d’ATD Quart monde, JG nous dit être à la limite de la misère.

Il y a 3 axes de la misère : la pauvreté (pas d’argent), la misère intellectuelle et la misère affective. L’entrée dans la misère se fait par une spirale qui s’accélère vite vers le centre. «Il y a 3 ans j’avais une famille, de l’argent et des amis. Du jour au lendemain je me retrouve sans famille, sans argent avec encore quelques amis… On ne pense pas que cela puisse vous arriver. Il faut être vigilant car, quand on s’en aperçoit, c’est trop tard !».

La pauvreté, c’est peut être le fait de pouvoir vivre avec ce qu’on a, tandis que la misère financière, c’est impossible de pouvoir vivre avec ce qu’on a !
La misère affective, c’est avoir été abandonné par les siens;

La misère intellectuelle, ce sont ces jeunes gitans de 15 ans
qui ne savent ni lire ni écrire et qui ne vont pas à l’école !

Son expérience à ATD c’est la bibliothèque de rue, le mercredi après midi pour
intéresser les jeunes gitans à la lecture. Ils n’ont pas d’appétence pour la lecture : c’est cela la misère intellectuelle. Ils sont dans la culture de l’oralité, ils ont de l’argent et pas d’intérêt pour travailler (à Noël un enfant peut recevoir un quad!).

Facteurs favorisant la misère :

- les méandres administratifs pour obtenir sa retraite, le RMI, l’allocation logement…

- pour avoir la carte TAM il faut bénéficier du RMI.

- trouver du travail à 62 ans est une utopie !Heureusement il y a des associations qui aident, des amis qui ont le portefeuille à côté du cœur.

- le manque de travail : des caissières de supermarché
ayant bac +5 ou 6 occupent des places qui devraient servir à
d’autres…

Débat

-CB : ce jour, place de la Comédie, les SDF étaient heureux d’avoir la parole.

JG : c’était l’occasion de pouvoir s’insérer dans la société bien que leur
parole soit parfois incohérente ! Ils ont besoin d’une reconnaissance du public. Mais n’avons-nous pas peur de les écouter ? Ils nous renvoient notre égoïsme, notre laxisme, notre culpabilité. On ne les aborde pas car on a peurd’eux ! JG a créé « Maupassant », un atelier d’écriture pour leur permettre de s’exprimer.

- Mr X : conteste ce qui a été dit à propos des gitans. « J’ai vécu 7 ans chez les gitans. Beaucoup d’enfants veulent apprendre à lire. Une de leur ressource financière est la pétanque : ils se font de bons mois car ils sont très forts ! Ils peuvent gagner 2 500 € dans un WE! C’est la pétanque qui m’a sorti de la misère ».

- Mme X : ne généralisons pas : ils n’ont pas toujours l’argent facile !

- Mr X : il y a une autre différence entre pauvreté et misère : le pauvre a encore des projets, dans la misère il n’y en a plus.

- JG : la misère est elle inhérente à l’homme ou due à une mauvaise organisation de la société ? Quels moyens la société peut elle se donner ? Donner de l’argent ne suffit pas : il faut s’attaquer aux causes du mal.

-CB : cette après midi une personne vous a demandé « à quoi ça sert de parler ici ?».

- MF : vous lui avez répondu 2 choses : ça sert à l’aider dans ses problèmes à elle et ça permet d’avancer les choses. A Montpellier, depuis presque 1 an,
ATD a créé un groupe de parole pour ces personnes en difficulté sur le travail et la santé. Pour faire une action au-delà de la réflexion nous avons
rencontré l’ANPE pour chercher ensemble des solutions. A Bordeaux, une commission du CCAS accueille des membres d’association et des personnes accompagnées permettant aux
usagers d’avoir la parole. Ainsi il a été possible de modifier l’attribution des tickets de transport…

- Mr X : quelle est la spécificité d’ATD ?

- MF : c’est l’accompagnement de la personne dans ses démarches et non l’aide matérielle. Nous avons 2 fondamentaux : l’accès au savoir indispensable pour avoir le moyen de s’en sortir et redonner confiance en elle à la personne. Toute personne est égale en droits, a la même valeur : son savoir peut être différent mais son expérience est très riche. Nous voulons faire évoluer la société en nous appuyant sur ces personnes. Nous nous adressons à tout le monde : personnes du quart monde et d’autres milieux sociaux. Chacun a un rôle à jouer.

- JG : il y a l’aspect individuel, être à
l’écoute. Et l’aspect collectif : cf le micro
crédit avec le prix Nobel à Mohamed Yunus. La
volonté politique manque de nos jours, les moyens financiers
existent. Comment agir sur la municipalité pour réduire
les buffets (200 000 f) ou 350 000 f au château d’O pour
l’inauguration de l’exposition sur la Chine ? Comment aller
vers une démocratie participative vers un contrôle
par le peuple des finances publiques ? Envahissons les conseils
municipaux …RV le mardi 24 octobre à 18h30 à la
Maison du Tiers Monde, bd Louis Blanc sur les agendas 21.

- FJ : « médecin retraité je consulte à la halte solidarité et beaucoup de mes clients sont en difficultés administratives : ils ne savent ni ne peuvent accéder à la carte vitale, CMU, CME…

- MF : 10% des médecins refusent la CMU !

- JG : ils ont du mal à se débrouiller dans les méandres administratifs. Il y a un moment où ils n’en n’ont plus envie avec le risque de suicide.
C’est pourquoi il est important de les accompagner pour leur redonner le goût de vivre, de les écouter pour leur laisser toute la place.

-MF : on a peut être quelque chose à faire pour faire évoluer les mentalités. Ils ont l’impression que les structures ne sont pas pour les aider et remercient les associations.

- Mr X : Il y a du travail mais du sous travail dans l’hôtellerie, l’artisanat…Il faudrait partager le travail, créer des emplois.

- BD : vous avez dit que nous avions peur de ceux qui tendent la main.
C’est vrai ! Récemment j’ai vu, rue Foch, un homme assis sur son sac. Il avait une belle tête de patriarche, une bouteille d’eau près de lui. Je lui ai donné une
pièce en lui disant « pour que vous ne soyez pas obligé de boire de l’eau ». Il m’a
regardé tristement. J’ai eu l’impression de l’avoir offensé. Quelle est la bonne attitude ?

-JG : je n’en sais rien…Avoir un regard d’humanité. Cette après midi place de la
Comédie, est venue une jeune femme avec son chien. Je l’ai retrouvé plus tard rue Maguelone, lui ai parlé « je pourrai vous saluer quand je vous rencontrerai ». Les mettre dans le circuit d’une parole échangée.

Petit détail qui n’en est pas un ! « Je souffre d’une odeur de pisse dans certaines rues ! Il faut savoir qu’à Montpellier il faut toujours payer pour pisser !».

- MF : Nous avons envoyé un courrier à la mairie pour demander des toilettes publiques gratuites : nous n’avons pas eu de réponse…

- CB : Place de la Comédie vous avez touché un public différent.

- MF : Il y a quelques années, encouragés par la réussite de débats qui avaient touché 70 à 80 personnes, nous avions essayé de donner une suite 1 mois plus tard : 4 personnes sont venues !

Cette après midi, une jeune femme en difficulté avec ses collègues de rue, nous a demandés qu’ATD rencontre les policiers. Pourquoi pas essayer de faire dialoguer des SDF et des policiers ?

- JG : raconte ce qu’il a vécu récemment en rapportant au bureau de police une enveloppe pleine de documents trouvée dans une cabine téléphonique au nom d’une personne française et israélite.
Prévenue par lui, cette personne n’a pu obtenir ses documents, soi disant non parvenus. Ils ne lui ont été restitués qu’après son intervention. C’était un vrai délit de gueule ! Les SDF ont une haine pour les policiers !

- CB : Constatez vous une évolution de l’institution depuis 5 ans que cette journée du refus de la misère existe ?

- JG : elle est relayée par les journaux. Il y a une prise de conscience que cela peut nous arriver.

- MF : L’an passé n’a pas été
très réussie car nous avions posé une question
trop difficile : « venez témoigner sur des actes de
résistance ». Cette année nous avions
décidé de partir de l’expérience des gens.

ATD fait partie d’un collectif de 40 à 50 associations qui
se rendent compte que la précarisation augmente, que les mesures
proposées sont trop à court terme, qu’il y a des
mesures d’accompagnement mais peu de moyens pour ceux qui sont le
plus précaire. Nous nous inquiétons des projets du
parlement sur l’évaluation des résultats des
associations. Sur quels critères va porter cette
évaluation ? Pour atteindre les résultats attendus il y
aura intérêt à s’occuper des moins atteints !

- Mr X : Nous devrions nous présenter aux élections,
chercher 500 signatures et prendre la parole à plusieurs…

- Mme X : et à titre individuel minimiser le clivage (elle a
joué avec d’autres une pièce sur la Comédie
ce jour).

- Mr X : «ne pourrait on former des SDF à la cuisine ? »

- MF : Nous préparons une rencontre avec le monde de l’entreprise et les syndicats dont le Medef.

Dans le journal « Résistance » diffusé
gratuitement ce jour vous trouverez « un appel aux candidats
», lettre de questions à propos de la misère
à poser aux candidats, à signer et à renvoyer au
journal qui les fera suivre aux candidats. A nous de diffuser cet
appel, de demander que les SDF soient associés à
l’étude des lois les concernant, d’aller aux
conseils municipaux défendre les 20% de logements sociaux…

Posons nous la question : qu’est ce que je fais pour participer à l’éradication de la misère ?

Pour aller plus loin consulter le site de ATD :
http://oct17-lr.site.voila.fr/
http://www.reseau.org/atd
http://www.atd-quartmonde.org/

Le débat continue :

Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un
courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr

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